« VU DE »Pendant toute la campagne, « Libération » s’invite dans le quartier parisien de la Goutte-d’Or. Portraits.
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Par CHARLOTTE ROTMAN
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La Goutte-d’Or est un quadrilatère du XVIIIe arrondissement de Paris, qui compte 23 190 habitants, d’après l’Insee, dont 34 % d’étrangers. Le revenu des ménages y est deux fois moins élevé que la moyenne parisienne.
Au premier tour de la primaire socialiste, dimanche 9 octobre, il était là, à l’entrée de l’école transformée en bureau de vote. Un grand gars, souriant, aimable, qui accueillait « le peuple de gauche » venu choisir un candidat.
Yassir Hammoud a 26 ans. Il est militant socialiste à la section Chapelle – Goutte-d’Or du XVIIIe arrondissement, celle de Lionel Jospin. Il y est le plus jeune. Quand il a aménagé rue de Panama, dans l’un des quadrilatères les moins réputés de Paris, on l’a prévenu : « Tu vas te faire couper la gorge. » Rien de tout cela n’est arrivé.
Ce dimanche de primaire rue Saint-Mathieu, face à l’église Saint-Bernard, au cœur du quartier de la Goutte-d’Or, il regarde défiler les électeurs d’un genre nouveau. « Ces familles, ces couples, les gens du quartier, toute cette diversité culturelle. Si il n’y avait pas eu de mobilisation, j’aurais eu un vrai coup au moral ». A tout hasard, il avait apporté Le portrait de Dorian Gray. Il n’a pas sorti le livre de sa poche. Avec le succès de la primaire, la « fierté d’être un militant PS » revient. Cela faisait longtemps.
A 10 ans, il pleure le soir de l’élection de Jacques Chirac
Yassir a adhéré en 2004, à 19 ans. Au moment du débat sur le Traité européen, qui a déchiré la France et le PS. Alors inscrit en géographie, à Bordeaux, et syndicaliste étudiant, Yassir a fait la campagne du « Oui ». « Ça a été une vraie baston » se souvient-il.
Il vient d’une famille qui s’est toujours intéressée à la politique « sans être encartée » : son père, maître de conférence en arabe, sa mère intendante dans un lycée, tous deux d’origine marocaine se sont rencontrés en France et votent à gauche. A 10 ans, en 1995, le soir de l’élection de Jacques Chirac, il pleure. Depuis l’enfance, il se présente pour être délégué de classe. « J’ai toujours eu envie d’être au service des gens et aussi de participer aux décisions. »
« Un sentiment de fierté »
Yassir Hammoud n’a pas quitté le navire après le congrès de Reims. Au contraire : « J’ai compris que certaines pratiques étaient dépassées, qu’il fallait passer à autre chose. » Il plaide pour un parti transformé, vivifié, élargi à de nouveaux visages : « Si on perd, la rénovation sera inéluctable. Si on gagne il faudra quand même la faire ». « Aujourd’hui, ajoute-t-il, des jeunes en accord avec les idées du PS peuvent s’enfuir après une première réunion de section. » Il en connaît.
Il ?vient d’être choisi pour être l’assistant parlementaire de Dominique Gillot, nouvelle sénatrice du Val-d’Oise. Il confie sans minauderie « un sentiment de fierté ». « Par rapport à ma famille venue d’un autre pays, ce n’est pas rien d’être aujourd’hui au cœur du parlement français. »
Yassir Hammoud a voté pour François Hollande à la primaire. Il s’apprête à faire sa campagne. Dans le XVIIIe, évidemment.