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Paris, le 4 décembre 2010
A l’attention de Monsieur Daniel Vaillant,
maire du 18e arrondissement
et de Monsieur Bertrand Delanoë,
maire de Paris
Messieurs les maires,
Lors du dernier conseil de quartier Château Rouge – Goutte d’Or, un grand nombre de personnes étaient venues exprimer leur colère devant les désagréments causés par des occupations déviantes de l’espace public. Le titre même du conseil de quartier attirait le chaland : « Espaces publics, prostitution, vente à la sauvette : que pouvons nous faire ? ».
Comment les mairies de Paris et du 18e arrondissement ont-elles pu cautionner un tel intitulé ? Caractérisant le stigma, il met d’emblée sur un même plan des problèmes qui n’ont que peu de rapport, sinon les nuisances qu’ils génèrent aux yeux des nombreux habitants présents ce soir-là. Une habitante l’exprime sans ambages : « Barbès est une poubelle ! » Le ras-le-bol est si profond que ces gens semblent avoir perdu toute empathie, toute considération pour les personnes qu’elles ne voient qu’à travers le malaise ressenti, les attroupements, le bruit et la saleté.
Résidant rue Myrha, je ne partage pas le sentiment de vivre dans une poubelle. Je ne partage pas le dégoût qui s’est exprimé pêle-mêle envers les drogués, les prostitués et les vendeurs à la sauvette. Je ne partage pas la crainte de voir se concentrer la misère du monde au pied de mon immeuble. Je suis en revanche outré par le dédain qui s’exprimait.
J’ai la chance de connaître de nombreux voisins de toutes origines ethniques et sociales et je crois qu’il ne s’agit de l’expression que d’une minorité. Néanmoins l’égoïsme s’affichait sans complexe, sans faux-semblant, et ne rencontrait aucun contradicteur.
Il aurait été salutaire que les autorités publiques représentées à la tribune, au premier chef les élus du 18e arrondissement, aient permis au débat de porter aussi sur les réponses que nous apportons collectivement aux personnes engluées dans des situations personnelles inextricables. Malheureusement Monsieur Lejoindre n’a pas réellement pris position et en aucun cas délivré un message politique. La mairie fait ceci et cela, ne peut faire cela et ceci… Son discours était tellement édulcoré que je me demande s’il a seulement une opinion sur ces sujets.
A ma grande surprise, c’est le commissaire Clouzeau qui a déclaré que l’appareil répressif a ses limites, que déplacer les problèmes n’est pas une réponse acceptable, que les prostituées sont, d’après la loi, des victimes plus souvent que des coupables, que les vendeurs à la sauvette ne mettent personne en danger.
Ce faisant, le creuset social qu’est le quartier de la Goutte d’Or n’a pas été défendu, la richesse et l’attractivité du quartier n’ont pas été mentionnées. La diversité des hommes et des biens que l’on rencontre ici nourrit pourtant les échanges sociaux et les transactions marchandes, malgré la délinquance, les détritus, le brouhaha et les encombrements.
Je m’inscrits donc en faux avec les opinions exprimées par mes riverains. Je ne crois pas que la gêne qu’ils éprouvent et dont ils font état avec tant d’émotion soit comparable avec les problèmes rencontrés quotidiennement par les personnes montrées du doigt. Je ne comprends pas que les élus de gauche présents ce soir n’aient pas pris de la distance et introduit dans la discussion des notions telles que la solidarité, que tous avaient mis de côté, le partage, qui s’applique aussi à l’espace public, et la lutte, pour que chacun puisse faire valoir ses droits fondamentaux, notamment celui d’obtenir un emploi et de travailler.
Je vous remercie d’avoir accordé une minute d’attention à ma lettre, je serai heureux bien sûr d’avoir votre opinion si vous jugez nécessaire de me répondre.
Je vous prie, Messieurs les maires, de recevoir mes salutations respectueuses.
N. Laurent
rue Myrha
75018 Paris
