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LA MARCHANDISATION DE L’ACTION SOCIALE

La marchandisation : un choix de société au plus haut niveau de l’Etat.

Depuis 2002, l’Etat, progressivement, se désengage d’un certain nombre de champs qui relèvent de missions de services publics en les déléguant à moindre frais aux associations dans une logique de plus en plus marquée par la concurrence et avec l’aspect comptable comme critère essentiel. C’est le « principe de subsidiarité », dans sa plus mauvaise acception qui guide la démarche : principe qui ne laisserait à l’Etat que les fonctions strictement régaliennes comme la monnaie, l’armée, la police … De ce fait l’Etat a besoin des associations pour remplir les services qu’il ne veut plus prendre en charge. C’est dans cette perspective que le président de la république, en août 2008, vantait les mérites et soulignait la nécessité des associations.
L’état se contente donc de faire fonctionner le marché mais de ce fait accroît son autoritarisme en définissant les objectifs à atteindre ainsi que les façons de faire et en développant le culte du résultat. En développant l’économie de marché et en ne pilotant que par le résultat sur des critères uniquement quantifiables, l’Etat transforme les populations et leurs associations en consommateurs.

Les marchés publics, outils de cette politique :
Cette externalisation s’est notamment traduite par le recours de plus en plus fréquent aux marchés publics au détriment de la subvention.
La subvention est une contribution financière versée par une collectivité publique à une association pour qu’elle puisse mettre en œuvre son projet. La contrepartie, c’est la réalisation de l’action reconnue comme réponse pertinente à un besoin. L’initiative et les modalités d’action appartiennent à l’association et aux populations qu’elle rejoints. Elle rend compte de l’utilisation de la subvention sur le plan comptable mais aussi sur le plan qualitatif de la réalisation de son projet. C’est avec le système de subvention que les citoyens, au travers de leurs associations, peuvent imaginer et mettre en œuvre des dispositifs, des actions qui correspondent à leurs spécificités. Avec la subvention, les pouvoirs publics assument une de leurs responsabilités : donner les moyens aux populations de vivre la démocratie.
A l’inverse, lorsque la collectivité est à l’initiative du projet, elle doit passer par la commande publique en imposant un cahier des charges donc les modes opératoires et en mettant en concurrence des opérateurs potentiels. C’est l’appel d’offre. Celui qui sera retenue sera le « moins-disant » c’est-à-dire celui qui s’engagera au moindre coût à réaliser la commande conformément au cahier des charges.

Le recours aux marchés publics transforme les partenaires en prestataires
Transformées en sous-traitantes, les associations passent avec ce dispositif d’appel d’offre du statut de partenaires à celui de simples prestataires des pouvoirs publics. Elles sont contraintes de renoncer à leur projet associatif et à leur liberté́ d’action et d’innovation. Evaluées sur des critères exclusivement quantitatifs ou administratifs, elles doivent renoncer à pouvoir choisir leurs modalités de travail pourtant au cœur de l’action associative.

Plus question pour elles d’une approche globale et de la prise en compte de la durée souvent nécessaires à la résolution de situations individuelles ou collectives complexes. Plus question d’adapter les propositions aux évolutions des réalités sociales. Plus question d’innover en fonction des besoins repérés. Seule compte désormais la rentabilité́ mesurée à l’aune de l’équation "coûts engagés / résultats quantitatifs obtenus".
Enfin, l’appel d’offre ne peut, à terme, qu’entraîner la mise sous tutelle des associations. Alors qu’elles sont dans une relation de dépendance totale devant le « financeur donneur d’ordres » comment pourraient-elles en effet exercer leur fonction d’expression citoyenne et critique à son égard ? De force de propositions et potentiel contre-pouvoir dans une société démocratique, l’association, par l’appel d’offre, est contrainte de s’institutionnaliser peu à peu, de se transformer en pur exécutant.

Avec l’appel d’offre, le financeur paie pour la réalisation d’une action dont il veut contrôler à l’euro près que son financement a bien été affecté à la seule réalisation de l’action ce qui exclut globalement la prise en compte des frais de fonctionnement sans lesquels pourtant le projet associatif ne peut vivre.

Le recours à l’appel d’offre est souvent présenté comme nécessaire pour mieux contrôler l’utilisation de l’argent public. C’est une illusion. Dans le cadre des subventions, le contrôle existe avec des critères qui peuvent être mieux adaptés. De plus, l’organisation des marchés a lui-même un coût, sans parler de celui tant financier qu’humain qu’entraîne l’appauvrissement des réponses apportées par les associations transformées en prestataires.
L’appel d’offre met fin au projet global de l’association
Cette démarche d’appel d’offre segmente toutes les actions en les retirant d’une démarche collective et globale qui prend en compte l’ensemble de ce que vivent les familles, les populations. Les projets d’associations qui veulent prendre en charge des réalités sociales n’ont plus leur place alors que les réponses globales sont souvent bien plus efficaces. Sans cette vision globale, il n’y a que des guichets sans perspective et sans construction collective, sans souci du « vivre ensemble ». Ces liens et cette vision globale sont vitaux et essentiels.

Ce manque de vision global amène l’Etat actuel à ne plus s’adresser au « citoyen », c’est-à-dire à celui qui a le souci du bien commun mais à la personne privée au nom de son intérêt individuel. Le cœur de notre action, de celui des centres sociaux comme de l’éducation populaire au sens large est, au contraire, le souci et la construction du collectif pour un mieux vivre ensemble.

Les associations comme les nôtres portent avec leur projet une alternative sociétale fondée sur la construction du collectif et l’approche globale des personnes. Elles ne peuvent absolument pas être des fournisseurs de services avec réponses aux plus bas prix à des demandes individuelles.

Les grosses associations favorisées … mais à quel prix ?
Avec la généralisation de cette politique d’appels d’offre, les associations se retrouvent en concurrence entre elles mais également avec des entreprises du secteur privé à but lucratif. La complexité́ et la lourdeur du dispositif excluent de fait les petites associations. Les plus grosses doivent de toutes façons adapter leurs propositions à la commande publique et renoncer ainsi à leur spécificité́ tout en étant les seules à pouvoir répondre avec une chance de succès compte tenus des économies d’échelle qu’elles peuvent se permettre.

Economiquement elles se heurtent également à des opérateurs marchands pour qui le seul critère est le coût de l’opération comme on le voit dans le domaine de la formation ou de la petite enfance Les pouvoirs publics eux-mêmes tendent à favoriser l’obtention d’une réalisation au moindre coût au détriment de la qualité et de la sécurité en assouplissant les règlementations : abaissement du niveau requis de qualification, augmentation des effectifs pris en charge par professionnel, précarisation des personnels etc. …

L’arrivée de ces nouveaux opérateurs marchands de grande taille pose également la question de l’ancrage territorial et du lien avec l’habitant. Il existe une connaissance et une expertise que seules les associations locales possèdent par leur histoire et leur ancrage local. Leur situation leur permet de porter une dynamique de développement local que le prestataire marchand ne peut avoir. Il l’aura d’autant moins que, pour des raisons économiques, il ne pourra se concentrer que sur la seule action pour laquelle il est payé. Le risque enfin du recours à ce type de prestataire coupé du local, est la généralisation d’attitudes de consommateurs de services au détriment d’une participation citoyenne qui fait le cœur du projet associatif.
Favoriser les grosses associations sans inscriptions territoriales aboutit à méconnaître l’originalité et la richesse d’apport des petites associations locales qui ont souvent peu de moyens mais qui répondent par une action de proximité, souvent avec des partenariats locaux, à des besoins repérés dans un territoire qu’elles connaissent bien. La proximité, la connaissance du terrain, la prise en compte des besoins et des ressources locales sont des atouts que seules les associations locales peuvent apporter.
Aller vers le mécénat privé ...

Les associations sont de plus en plus incitées ou contraintes de recourir au mécénat privé pour financer des activités d’intérêt général. Cette piste est importante et peut être empruntée comme dispositif complémentaire ou ponctuel. C’est un financement fragile qui ne s’inscrit pas dans le temps et qui ne peut ni ne doit se substituer aux subventions publics.
Nous ne pouvons admettre en effet que l’intérêt général ou que des activités d’utilité sociale, ne dépendent que du bon vouloir et de la générosité de quelques personnalités ou entreprises. Ils doivent au contraire reposer sur la contribution équitable et la solidarité des citoyens que doit organiser l’Etat.

Interpeller et alerter

« La directive européenne des services » donne les grandes orientations et ne reconnaît que la règle du marché concurrentiel. Elle laisse cependant aux Etats le soin de la transcrire en fonction de leurs spécificités et en reconnaissant la légitimité d’en définir les domaines d’application. Jusqu’à ce jour la France n’a retranscrit cette directive que par morceaux, dans le cadre de la Réforme Générale des Politiques Publiques (RGPP) comme celles des hôpitaux par exemple. A chaque fois, cette directive européenne a été transcrite dans un esprit restrictif. La « circulaire Fillon » en est un exemple. Il a fallu beaucoup d’énergies pour que le principe de la subvention soit maintenu et que certains rares secteurs soient sortis du champ concurentiel. Il reste encore beaucoup à faire pour que le secteur dans lequel travaillent des associations comme les nôtres puisse en sortir également. Mais cela demeure possible et nécessaire.

La marchandisation de l’action sociale en effet risque d’aboutir à faire disparaître la vie associative locale. Nous sommes devant un véritable choix de société. Toute la société, tous les partis politiques n’en ont pas encore pris conscience. Nous entrons dans une période où des choix de société s’affirment. Interpeller et alerter peuvent être une de nos responsabilités d’associations citoyennes.

Bernard Massera, membre de l’association Paris Goutte d’Or


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  Lire aussi : notes d’une conférence du président du Secours Catholique


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